Maux & Cris

Que diable t’arrive-t-il petit emplumé ?

Vous le savez, je vous l’ai dit. Je ne vous cache pas grand-chose. Aujourd’hui 23 mars 2021, nous partîmes deux et en arrivant au port, nous étions toujours deux. Le port c’est l’hôpital Foch de Suresnes, les deux soldats, Sylvie et moi. Aujourd’hui, je vais avoir ma première séance d’immunothérapie et mon premier vaccin Pfizer.

Dans la voiture à l’aller, peu de paroles, les rares qui nous échappent sont détendues. A l’intérieur de nous, un mélange de calme, d’habitude, une légère inquiétude. Pas celle désespérée et incrédule du bovin qui va vers un terrible destin dont il ignore tout. Plutôt celle des guerriers qui ont déjà mené des combats, ont pris cher, donné des coups, qui savent ne jamais rien savoir du détail qui les attend. Et que le pire serait de s’imaginer du trop beau ou du trop moche, et d’être a priori négatif, angoissé. Que la juste attitude est de prendre les choses comme elles arrivent, sans fantasmer. Qu’il faut être optimiste. Et cela tombe bien, c’est ce que nous sommes.

Il n’empêche qu’une inquiétude est là, légère mais non invasive. Acceptons-là comme une donnée du problème. On m’a dit des choses sur l’immunothérapie, j’en ai lu d’autres. Mais cela ne remplace jamais le vécu. Je m’en vais vous le raconter. Sachez que tout va bien. Je spoile la suite, mais je préfère vous rassurer sans attendre.

Le Covid (excusez-moi, je refuse de féminiser ce mot) a cette vertu de vider les routes et de nous avoir évité de stressants bouchons. Notre fidèle destrier a 10 ans et près de 300.000 kilomètres au compteur. Nous parlons surtout de la remplacer. De préférence par une hybride. J’aimerais une prochaine auto silencieuse, pour écouter de la musique dans de bonnes conditions. Avec une boîte auto, histoire de retirer du stress. Elle devra être frugale, afin d’alléger la détresse de notre planète empuantie, et accessoirement, notre porte-monnaie. Mais j’aimerais conserver une motorisation suffisamment puissante pour n’être jamais au volant d’un veau, même si la côte est longue est raide.

Nous arrivons à Foch vers 10h00. Foch est sur le flan d’une colline. En bas en rentre vers le parking, en haut l’entrée des piétons. L’hôpital de jour du service urologie est perché en hauteur. Depuis le parking, situé au moins 8, il faut remonter au niveau 0, changer de bâtiment et prendre un autre ascenseur jusqu’au niveau 6. Nous arrivons sur une vaste salle d’attente, refaite il y a deux si je me souviens. Avant nous étions entassés sur des chaises les unes contre les autres. Des bureaux ont sautés pour faire place à des espaces confortables. Le Covid interdit un siège sur deux. A gauche et à droite, les couloirs vers les chambres, au milieu à 90 degrés, l’allée centrale, plus courte, mène à l’hôpital de jour. Les chambres sont à trois lits, chacun ayant sa « niche ».

Je suis à côté de la fenêtre, avec une belle vue dégagée sur le quartier de la Défense, plus au Nord. Le ciel est uniformément bleu. La fenêtre, légèrement basculée, laisser l’aération se faire. Par l’entrebâillement, on aperçoit les fientes des pigeons qui tapissent le rebord de la fenêtre. Sylvie repère des petites plumes posées sur les déjections. Je refuse poliment. Nous sourions.

L’oncologue nous rejoint. Je lui confie le résultat des analyses. Elle repart avec, afin de lancer la fabrication du produit, composé par un service de l’hôpital en fonction des constantes données par l’analyse. Chaque deux semaines, le protocole est le même, un ensemble d’analyses à faire deux jours avant l’injection.

Elle revient et nous expose le principe. Je ne suis pas surpris par le nom du médicament. Les produits pour le cancer du rein ne sont pas légion. Pendant deux ans, on va m’injecter un anticorps monoclonal, portant le doux nom de Nivolumab, à raison d’une injection toutes les deux semaines.

Elle nous parle du petit nombre d’effets secondaires, de leur importance potentielle. Le système immunitaire peut s’emballer et se retourner contre un organe, donnant des symptômes dont le nom se termine en ite, comme pancréatite, colite, néphrite, hépatite, etc. Cela se traite à coup de Corticoïdes. Si nécessaire on interrompt les injections pendant un certain temps.

Il faut rester attentif aux symptômes et la contacter dès que l’on sent un souci de ce type. Il est possible de décaler une injection d’une semaine pour organiser des vacances par exemple.

Elle nous quitte. L’infirmière tente de me poser le cathéter avant que j’aille me faire vacciner. Elle galère à trouver mes veines, qui, sachant ce qui va se passer, se font d’une discrétion absolue. Moralité : J’ai un pansement au pli du coude, un autre sur l’avant-bras. Mais finalement, ce sera sur le dessus de la main que ce cathéter trouvera son port d’attache. J’ai le bras entièrement recouvert de bétadine, c’est bête à dire. Surtout bête à voir…

Ensuite, je redescend au niveau zéro, traverse le bâtiment pour trouver le spot du vaccinodrome. Sylvie me laisse. Je remplis un papier, attends deux minutes, une docteure me conseille de prendre du Doliprane a titre préventif, on vient me chercher, on me vaccine, rien senti, on me donne des papiers et un badge sur lequel est inscrit « Je suis vacciné ! Et vous ? ». Retraverse le bâtiment, remonte au 6^ème, retrouve la chambre 607, me réinstaller et attendre.

L’infirmière revient, me branche le goutte à goutte sur le cathéter. Et c’est parti. On parle de l’endroit où elle habite, en direction de chez moi, elle s’y trouve bien, avec la nature à proximité. Elle ne regrette pas Saint-Denis, où elle habitait avant. Elle a des doutes sur le vaccin AstraZeneca. Elle se fera vacciner mais plus tard, lorsque ses doutes seront levés. Elle part.

L’oncologue voudrait que tous les soignants soit vaccinés. Ce n’est pas encore le cas. Je trouve cela curieux. Les élèves infirmières et infirmiers doivent être vacciné(e)s pour pouvoir exercer, mais il n’y a pas d’obligation pour le Covid. Paradoxal.

J’entends chaque goutte mais bizarrement, lorsque je regarde l’endroit d’où la goutte sort, régulièrement, doucement, le son est désynchronisé de la chute de la goutte. Cela m’intrigue quelques instants. Le mystère restera entier.

Je reprends ma tablette et me balade d’applis en applis jusqu’à ce qu’un signal sonore signale la fin de l’injection. Elle aura duré 30 minutes. Il faudra une bonne dizaine de minutes pour que l’infirmière repasse, je m’attend à être débranché, mais non, il y a encore dix minutes de nettoyage. Je ne sais pas de quoi, d’ailleurs. Un autre mystère à éclaircir une prochaine fois.

Au bout des dix minutes, une autre sonnerie se déclenche. Cinq minutes après, l’infirmière me retire le cathéter. Je suis libre. Je retrouve Sylvie dans la salle d’attente. Elle a profité de tout ce temps pour aller poster des bons à tirer pour un client de son atelier de reliure et restauration de livres anciens (https://www.latelierdeblanche.com/), galérer avec son smartphone, sur lequel des applis se lancent et s’arrêtent toutes seules. Nous résoudrons ce point une fois à la maison, en lançant une mise à jour des applis en attente.

Nous rentrons à 14h30. Un délicieux hamburger maison nous rassasie et nous reprenons le quotidien.

Conclusion : tout s’est très bien passé. Aucun souci identifié que ce soit pendant ou après l’injection. TVB RAS

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