Maux & Cris

Textes, Poèmes, Livres, Rêves et autres billevesées

Il n’a pas dix ans, c’est l’hiver dans sa région de moyenne montagne, il y a de la neige, il fait froid et les élèves font de longues glissades dans la cour de l’école, parallèle au préau (trouve-t-on encore des préaux dans les écoles modernes ?) Une piste est construite sur plusieurs mètres de long, dans le sens de la légère pente, l’école étant à flan de colline. La piste luisante court jusqu’au mur d’enceinte.

C’est la récré, il sort comme les autres élèves de sa classe, un entonnoir d’enfants surexcités par la sonnerie et par le fait de déployer un corps engourdi par l’immobilité des enfants trop sages. Les enfants vont partout dans la cour mais vite, certains se regroupent autour de la piste de glissade. Pendant que l’un prend son élan, les autres sont le long de la piste et crient, vocifèrent, encouragent.

Son tour arrive, il s’élance, glisse comme un fou, mais avant la fin de la glissage est déséquilibré, il ne contrôle plus rien et va s’écraser contre le mur. Moralité, les deux incisives qu’il avait si belles, si blanches, sont explosées, tout comme sa lèvre. Il est défiguré et super vexé.

Ce jour-là, sa maman n’étant pas à la maison, il doit rentrer chez ses grands-parents. Lorsqu’il sonne à la porte et que Bonne-Maman lui ouvre, elle fait une tête horrifiée en voyant la sienne.

Les seules choses dont il se souvient ensuite c’est le passage qu’il a du faire chez le dentiste de la famille qui lui a posé deux jaquettes qu’il gardera jusqu’à ses trente ans. Elles seront remplacées par une solution plus pérenne toujours en place trente cinq ans plus tard grâce à une dentiste de la famille.

Somme toute, un bête accident ! En y repensant, et ce sera éclairé par la suite de l’histoire, il est certain qu’un petit farceur a glissé son pied sur la piste au dernier moment afin de le faire choir.

Quelques années plus tard, une fois passé de l’autre côté côté du bâtiment, dans la cour des grands, il a bien dix ans, les cheveux coupés extrêmement courts peut-être suite à une invasion de poux, il est poussé contre le mur du bâtiment et tous les enfants sont autour de lui et l’invectivent, le traitent de petit moine (rapport à ses cheveux ras) et de nom d’oiseaux dérivés de son nom de famille…

Il se souvient de l’effarement, de l’étonnement ressenti. Il ne se souvient pas d’avoir eu peur physiquement, mais il se souvient d’une solitude extrême, d’une injustice totale. Il se souvient qu’un élève, un seul n’a pas hurlé contre lui et a pris sa défense.

Il en retire une méfiance contre les troupeaux d’humains qui comme le chantait Brassens :

« Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on
Est plus de quatre on est une bande de cons.
Bande à part, sacrebleu ! c’est ma règle et j’y tiens.
Dans les noms des partants on n’verra pas le mien. »

Le harcèlement cela peut ressembler à cela, à quelque chose que l’on ne comprend pas, que l’on tait, que l’on ne raconte pas à ses parents, que l’école n’instruit pas, que l’on porte sa vie durant ou presque. Quelque chose avec laquelle on se construit, quelque chose qui empêche d’être totalement serein et décontracté. Et c’est souvent bien pire…

Un rêve récurrent m’a poursuivi des dizaines d’années. J’étais l’accusé au milieu d’un amphithéâtre plein d’autres humains qui me conspuaient, genre scène de la révolution française, avec le même risque d’y perdre ma tête. Les réveils étaient difficiles et peu encourageants, le fait de ne jamais en sortir vainqueur démoralisant au possible, comme une chute sans fin dans l’échec et sans remise de peine possible.

Mes ami(e)s, sachez que, tout comme nos rêves influent sur notre vie, nous pouvons agir sur nos rêves. Donc, à un moment où cette histoire était devenue un boulet trop encombrant et lourd à tirer, je me suis décidé à m’endormir en faisant tourner mon maudit rêve avec une fin heureuse. Cela a marché et dès qu’il a inclut sa fin heureuse, je ne l’ai plus jamais recroisé.

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