Maux & Cris

Textes, Poèmes, Livres, Rêves et autres billevesées

Si je vous dis « nous sommes le 8 décembre », et ça tombe bien je vous le dis, je sais que l’immense majorité d’entre vous va me regarder droit dans les yeux en attendant une suite. Dans ces millions d’yeux vers moi tournés je ne verrai que perplexité, et cette attente qui, non comblée, vous assurerait que je suis devenu timbré. Les autres viennent de Lyon ou y sont passés et savent.

La fête des Lumières ! Enfin c’est le nom connu aujourd’hui de ce gros barnum qu’est devenue cette fête Lyonnaise au fil du temps. Des projections de lasers sur les édifices de la ville, des sites internet permettant de suivre en direct. Une fête qui dure maintenant quatre jours et qui éclaire la terre entière, et peut-être même la face cachée de la lune. J’attend un retour de Thomas Pesquet sur ce point.

Un vielle histoire que ce truc. Le 8 décembre 1643, les édiles Lyonnais (le prévôt des marchands et les échevin) montent sur la colline de Fourvière en direction de la chapelle dédiée à la Vierge (la première chapelle fut créée en 1168), pour lui demander que la ville de Lyon soit épargnée par la peste qui remonte le long du Rhône. Ils promettent de renouveler ce pèlerinage chaque année si la ville est protégée. Depuis cette date le 8 septembre de chaque année, les pèlerins « pélerinnent » comme promis.

Je sais, j’ai écrit le 8 septembre mais la fête est le 8 décembre… Minute papillon, j’y viens… En 1850, un concours est lancé pour créer une statue de la Vierge sur la colline de Fourvière. C’est un professeur des Beaux-Arts de Lyon, Joseph-Hughes Fabisch qui la réalise. L’inauguration est prévue le 8 septembre 1852. C’est la vierge dorée qui domine la cathédrale de Fourvière, elle-même dominant la ville.

Rebondissement. La Saône est en crue, ce qui reporte l’inauguration au 8 décembre 1852. Voilà on y arrive… rassuré(e) ? Le jour venu, le temps est si moche que l’on frôle l’annulation. Mais finalement le ciel se révèle. Du coup, spontanément les Lyonnais mettent des bougies sur leurs fenêtres. La nuit Lyonnaise s’éclaire…

Depuis cette époque, chaque année, le soir du 8 décembre, les Lyonnais disposent sur leurs fenêtres ces fameux lumignons, des verres très simples, transparents ou colorés en vert, rouge, bleu, jaune… Une seule couleur par verre. Au fond du verre on pose une petite bougie ressemblant aux bougies chauffe-plat. Dès la tombée de la nuit, on allume ces bougies. Ce qui fait que les fenêtres de tous les étages de toutes les maisons sont éclairées par ces petites lumières qui oscillent en fonction du vent pour former un spectacle unique et féérique.

Ça c’est le 8 décembre de mon enfance. Ça et les vitrines des commerçants, qui, pour l’occasion, déployaient de superbes décors enneigés, dont nous profitions ensuite jusqu’à Noël. Des maisons en saindoux, des personnages en biscuit, des guirlandes clignotantes. J’en avais totalement oublié l’existence, mais ma sœur me l’a rappelé tout à l’heure et tout est remonté. L’enchantement du petit enfant devant ces merveilleuses vitrines est remontée aussi vite qu’elle était partie longtemps.

Mon 8 décembre à moi, c’était ces vitrines dans le village, c’était aussi le fait de disposer les lumignons sur le rebord de la fenêtre. Plus tard, lorsqu’on a estimé que j’étais suffisamment grand pour cela, c’était aussi d’allumer avec une seule allumette toutes les petites mèches d’une fenêtre sans se brûler le bout des doigts.

Et puis, plus tard au moment du coucher, c’ était différent. Un épais rideau vert occultait les lumières mais parfois, sur les côtés de la fenêtre, un peu de lumière colorée s’échappait pour venir  danser sur les bords du rideau et de la fenêtre. Je les guettais, puis, petit à petit, le sommeil me prenait. Le lendemain matin tout était consommé. La magie du moment autant que les lumières.

Parfois, la neige était tombée. Assez pour que le village en soit recouvert. Une autre ambiance s’installait alors. Un peu celle des montagnes, avec le bruit assourdi des voitures, les pas crissant sur le trottoir. Les silhouettes moins assurées qui progressaient avec précautions et celles des enfants qui faisaient des glissades à n’en plus finir. La dernière m’a coûté mes incisives qui n’ont pas résistées au mur que je me suis pris pleine face.

Plus tard, étudiant à Lyon, j’y ai vécu d’autres 8 décembre. C’était une autre magie. Celle de déambuler avec des amis dans un froid intense (le 8 décembre il faut toujours froid !) pour aller ici ou là écouter les groupes qui se produisaient un peu partout. Les dernières années où j’étais à Lyon, on pouvait laisser glisser des bougies sur la Saône, encore un joli spectacle. Et nous nous gorgions de vin chaud et de marrons chauds, histoire de se réchauffer les mains.

En 1989, je n’étais plus Lyonnais, la fête des lumières a pris le pas sur l’ambiance village et de merveilleux spectacles sont projetés sur les principaux bâtiment de la ville. Ce principe se retrouve partout maintenant. J’ai d’ailleurs assisté à un spectacle projeté sur la cathédrale Notre-Dame de Rouen. Mais Lyon a bien été le fer de lance de ce genre de spectacle. Depuis 1999, la fête dure quatre jours.

Pour moi, et vous le comprendrez aisément, si aucune des fabuleuses merveilles que l’on peut admirer à Lyon un 8 décembre ne vaudra jamais ces petites lumières qui dansaient sur le rebord de la fenêtre de mon enfance, je vous encourage vivement à venir à Lyon, une très belle ville. Et si c’est pour le 8 décembre, c’est encore mieux.


28 réflexions sur “8 décembre

  1. Tu nous en mets plein les zieux, avec tes lumières du 8 décembre dignes d’Ahura Mazda (oui, les lampes Mazda ont porté ce nom à cause de ce dieu des lumières), mais nous ne sommes pas dupes, hein, que c’est juste pour mieux dissimuler l’absence de Dupin !
    Je te souhaite une bonne soirée, Régis.

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    1. Maux&Cris dit :

      Crotte, ça se voit !! Encore un détournement d’attention raté ! Je suis persé à jour ! 😉

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    2. Bonjour Régis.
      Je sais que ce n’est pas facile pour toi, mais je me joins nez en moins à Philippe Chatel pour réclamer des nouvelles de Lilly, puisque ça ne marche pas avec du pain.

      Bonne journée.

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    3. Maux&Cris dit :

      Tu as été la chercher loin celle-là, mis j’ai bien ri….
      Pierre Perret m’en a aussi parlé de Lily, il l’a bien connu, mais elle a perdu une aile par rapport à celle qui aime du pain : https://youtu.be/urVfi9Yswaw
      Merci Jean-Louis et belle journée.

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    4. Je ne suis pas un inconditionnel de Pierre Perret, mais là, avec cette chanson, il a vraiment très fort et on touche à du très grand ! (grrr, j’aurai pu y penser !) 🙂🎼

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    5. Maux&Cris dit :

      Une très belle chanson. 😉

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    6. Maux&Cris dit :

      Bonne soirée Jean-Louis !

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  2. ID de femmes dit :

    Grand merci, Régis, pour ces mots de lumière, qui me rappellent les vrais 8 décembre. Depuis des années, la fête de ce jour particulier a viré à la foire noyée de vin chaud de mauvaise qualité. J’arrive tout juste de la ville, elle brillait tristement, peu de piétons pour s’émerveiller des lumignons qui tremblaient sous un sale vent. Mais notre ville ne pouvait en rester là, alors, à 21 heures pile, un feu d’artifice a ébloui le ciel, parti de Fourvière, entraînant avec lui des petits feux, tirés rue de la république, rue président Edouard Herriot. J’ai tout vu, de mon balcon, le coeur serré. J’en arrivais à regretter le flot de touristes qui voguaient l’an dernier encore, portés par ce désir de tout voir, de ne rien rater. Bon 8 décembre Régis.

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    1. Maux&Cris dit :

      Bon 8 décembre Lyonnaise amie ! Ce doit être bien triste cette année, comme en 2015 où les attentats avaient empêché la fête.
      Bises et amitiés Renée,
      Régis

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  3. Hobbo dit :

    tres interessant!

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  4. Roseleen dit :

    Merci pour ces doux souvenirs et ce rappel historique, çà file la pêche pour la journée ! Bon mercredi !

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    1. Maux&Cris dit :

      Merci Roseleen. Belle journée.

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  5. Aldor dit :

    L’année dernière, j’y étais. Pas grand chose à dire des lumières publiques, un peu voyantes et organisées. Mais j’ai découvert cette belle ville que je connaissais peu.

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    1. Maux&Cris dit :

      Merci pour ton témoignage. Heureux que tu aies pu découvrir Lyon.
      Belle journée,
      Régis

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  6. Photonanie dit :

    Nous avons visité Lyon de long en large, mes pieds s’en souviennent puisqu’ils ont servi de moyen de transport pour ce faire 😉
    Si ça te dit, j’ai publié 5 articles dont voici le 1er https://photonanie.com/2017/12/06/voyage-voyage-lyon-1/
    Mais ce n’étais pas en décembre… Par contre j’ai aimé les nuits lumières de Bourges, sans grande foule.
    Bonne journée et merci pour ce partage de souvenirs.

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    1. Maux&Cris dit :

      J’ai été voir tes articles sur Lyon ! Bravo c’est très complet.
      La dernière fois que j’y ai été en famille, nous avons marché toute la journée, les enfants m’ont maudit et ont assuré qu’on ne les y reprendrait de sitôt.
      Merci pour ces articles et bonne journée.

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    2. Photonanie dit :

      Tu ne mets jamais de commentaires hors de chez toi en fait? 😉

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    3. Maux&Cris dit :

      Si, ça arrive. Quand je suis particulièrement touché par quelque chose. 😉

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  7. Merci d avoir évoquer vos souvenirs sur cette soirée. Hier effectivement pas de grand spectacle mais des lumignions sur les rebords de fenêtres, un retour à l origine de cette fête mais aussi une façon de soutenir tous les aidants qui usent leur propre santé et nerfs pour sauver des vies tous les jours depuis presque un an ! Ce ne sont « que » des bougies mais leur symbole veut dire beaucoup « MERCI »et nous avons tous besoin de chaleur en ces temps difficiles. signée une lyonnaise d’adoption.

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    1. Maux&Cris dit :

      Merci pour votre commentaire ! Oui, nous avons besoin de chaleur, mais cela viendra bien un jour…
      Bonne journée,
      Régis

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  8. maloween dit :

    une belle évocation pour cette fête et les souvenirs qui les accompagnent !
    pour moi LYON ce n’est que le souvenir d’une chirurgie avec un spécialiste du tendon d’Achille ! j’y suis allée 3 fois pour cela et on venait de loin car à l époque difficile de trouver un bon spécialiste sur un tendon écourté depuis plus de 3 MOIS … les lumières je ne les ai vues qu’à la télé mais c’est vrai que le déplacement en vaut sans doute la chandelle
    bonne journée

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    1. Maux&Cris dit :

      Ce serait dommage de n’associer Lyon qu’à une opération. Si vous avez été opérée à Lyon, vous devez résider pas trop loin. Profitez-en un peu plus…
      Merci pour ce commentaire et à bientôt,
      Régis

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    2. maloween dit :

      et non ! j habite en Bretagne la ville des corsaires c n’est pas la porte à coté

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    3. Maux&Cris dit :

      C’est marqué dans Maloween ! Effectivement, ce n’est pas la porte d’à côte et lorsqu’on est en Bretagne, nul besoin d’aller ailleurs !

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  9. Paquerite dit :

    Mais que c’est beau!!
    Mon dieu que j’aimerais voir cela et comme ton article illustre si bien l’ensemble..;
    Lyon, je ne connais pas du tout cette ville, j’ai un peu honte mais je ne connais pas du tout cette région de France
    Tu me donnes envie de venir, et puis votre cuisine est apparemment diabolique !!!
    Merci pour toutes ces beautés et pour la tendresse de tes souvenirs 🥰🎆🎇🌠

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    1. Maux&Cris dit :

      Mais Corinne, pas de honte à avoir, plutôt avoir envie de découvrir.
      En parlant de grandes villes, lorsque nous allions voir les grands-parents à Cauderan, nous allions toujours à Bordeaux. A l’époque la ville était comme toutes les grandes villes, recouverte du noir de la pollution. J’y suis repassé il y a quelques années. Bien décapée, la ville n’est plus la même.
      Une des dernières fois que j’ai mangé à Lyon, c’était avec une cousine venue avec sa famille chez ses beaux-parents. Cette cousine habite à Arès.
      Oui on mange bien. D’excellents restaurants étoilés et les fameux bouchons. Les vrais et les faux. Il faut faire le tri. Il faut aimer les ambiances décontractées, la nourriture simple mais bien faite, la proximité sympathique avec des gens que l’on ne connait pas.
      Quand j’étais à Lyon, et que nous allions faire les courses aux halles (les anciennes pas la vitrine pour touriste friqués créées plus récemment sur la presqu’ile) j’allais chercher des fruits de mer chez un copain de fac. On buvait un coup de blanc et on allait manger dans sa petite salle quelques huitres, un Saint-Marcellin à la Lyonnaise en buvant un pot de blanc. C’était simple et chouette.
      Merci pour ton commentaire et bonne soirée Corinne.
      Bisous,
      Régis

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