Maux & Cris

Textes, Poèmes, Livres, Rêves et autres billevesées

Pas de panique, pour les lectrices et lecteurs de la chronique de l’Emplumé d’hier 15 juillet, je ne copie pas Cesare Pavese. A l’heure où vous me lisez je n’ai pas appuyé sur la queue de détente et envoyé ma cervelle se coller contre les murs de la pièce. Je suis physiquement intègre, même si moralement c’est plus discutable. En tout cas, je suis trop attaché à la vie pour la quitter dans une fumante détonation.

Tiens, si nous nous amusions plutôt avec les mots aujourd’hui.

Prenez l’expression queue de détente. Il s’agit du vrai terme de ce qui est souvent et improprement appelé la gâchette. Cette petite languette courbe sur laquelle on appuie avec son doigt pour déclencher le tir lorsque l’on a une arme à feu dans la main. Le terme « queue de détente » est une des choses que j’ai retenues de mes douze mois de service militaire. Une des rares d’ailleurs.

La queue de détente ! Appuyer sur la queue de détente pour tirer un coup. Vous me voyez venir avec mes gros sabots. Généralement, pour tirer un coup, il est préférable que la queue ne soit pas trop détendue. Et voilà, il aurait pu nous l’épargner… et bien non. En fait je n’aime pas l’expression tirer un coup. Sans doute parce qu’elle rappelle un peu trop le fait de tirer au fusil. On tire au fusil sur une cible ou sur une proie. Vous avez compris pourquoi je ne l’utilise pas.

A part cela, rien, juste deux poèmes de Cesare Pavese

Je passerai par la place d’Espagne.

Le ciel sera limpide.
Les rues s’ouvriront
sur la colline de pins et de pierre.
Le tumulte des rues
ne changera pas cet air immobile.
Les fleurs éclaboussées
de couleurs aux fontaines
feront des clins d’oeil
comme des femmes gaies.
Escaliers et terrasses
et les hirondelles
chanteront au soleil.
Cette rue s’ouvrira,
les pierres chanteront,
le coeur en tressaillant battra,
comme l’eau des fontaines.
Ce sera cette voix
qui montera chez toi.
Les fenêtres sauront
le parfum de la pierre
et de l’air du matin.
Une porte s’ouvrira.
Les tumultes des rues
sera le tumulte du coeur
dans la lumière hagarde.
Tu seras là – immobile et limpide.

Cesare Pavese – 28 mars 1950.

You, wind of March*.

Tu es la vie et la mort.
Tu es venue en mars
sur la terre nue –
et ton frisson dure.
Sang de printemps
– anémone ou nuage –
ton pas léger
a violé la terre.
La douleur recommence.
Ton pas léger
a rouvert la douleur.
La terre était froide
sous un pauvre ciel
immobile et fermée
comme dans la torpeur d’un rêve,
comme après la souffrance.
Et la glace était douce
dans le coeur profond.
Entre vie et mort
l’espoir se taisait.
Maintenant ce qui vit
a une voix et un sang.
Maintenant terre et ciel
sont un frisson puissant,
l’espérance les tord,
le matin les bouleverse,
ton pas et ton haleine
d’aurore les submergent.
Sang de printemps,
toute la terre tremble
d’un ancien tremblement.
Tu as rouvert la douleur.
Tu es la vie et la mort.
Sur la terre nue,
tu es passée légère,
hirondelle ou nuage,
et le torrent du coeur
s’est réveillé, déferle,
se reflète dans le ciel
et reflète les choses –
et les choses, dans le ciel, dans le coeur,
souffrent et se tordent
dans l’attente de toi.
C’est le matin, l’aurore,
sang de printemps,
tu as violé la terre.
L’espérance se tord,
et t’attend et t’appelle.
Tu es la vie et la mort.
Ton pas est léger.

Cesare Pavese – 25 mars 1950. – * You, wind of March, Toi, vent de mars.

Pour illustrer cette poésie, c’est Allain Leprest qui est venu se rappeler à moi avec sa chanson NU, suivie des paroles.

Nu

Nu, j’ai vécu nu
Naufragé de naissance
Sur l’île de Malenfance
Dont nul n’est revenu
Nu, j’ai vécu nu
Dans des vignes sauvages
Nourri de vin d’orage
Et de corsages émus
Nu, vieil ingénu
J’ai nagé dans tes cieux
Depuis les terres de feu
Jusqu’aux herbes ténues
Nu, j’ai pleuré nu
Dans la buée d’un miroir
Le coeur en gyrophare
Qu’est-ce qu’on s’aimait… Samu
Nu, j’ai vécu nu
Sur le fil de mes songes
Les tissus de mensonges
Mon destin biscornu
Mais nu, je continue
Mon chemin de tempête
En gueulant à tue-tête
La chanson des canuts
Nu, j’avance nu
Dépouillé de mon ombre
J’voulais pas être un nombre
Je le suis…

Allain Leprest – Nu – sur l’album Nu – 1998

Bonne journée les ami(e)s !

8 réflexions sur “L’Emplumé aujourd’hui, presque rien…

  1. Lazuli Biloba dit :

    Quand on a le coeur comme un « torrent » qui « déferle », quand on vit aussi intensément, on peut comprendre que la vie peut devenir insupportable… Merci pour ces textes magnifiques ! Belle journée, Danielle

    Aimé par 2 personnes

    1. Maux&Cris dit :

      Merci Danielle. Oui, mais quel dommage ne nous priver de tout cet art que ces artistes ne produisent pas en choisissant de disparaitre !
      Belle journée !
      Régis

      Aimé par 1 personne

  2. Beaux poèmes de César PAVESE.
    Bonne journée, Régis.

    Aimé par 1 personne

    1. Maux&Cris dit :

      Oui, c’est beau !
      Bonne journée Jean-Louis.

      Aimé par 1 personne

  3. Photonanie dit :

    Étonnement dès la première ligne, n’aurais-tu donc que des lectrices 😉
    Et puis vite, tu nous rassure sur ton moral mais je ne vibre pas à ces poésies ni à la chanson, j’ai envie de gaieté, de rires d’enfants et de tendresse pour affronter cette météo si morose depuis mon retour chez moi.
    Bonne journée.
    http://www.photonanie.com

    Aimé par 1 personne

    1. Maux&Cris dit :

      Bonjour Photonanie,
      Effectivement, j’ai beaucoup de lectrices, mais aussi des lecteurs. Mes yeux devaient ne pas être en face de leurs trous. Merci, c’est corrigé.
      Rassure-toi, je ne me complais pas dans la désespérance. Tu dois le savoir si tu lis mes petits billets. Je te souhaite un ciel plus bleu, pour accrocher un sourire à ton visage. Pour les rires d’enfants, je me permets de t’envoyer ces extraits choisis : https://youtu.be/xAO8uHO9-kQ
      Bonne journée

      J’aime

    2. Photonanie dit :

      J’ai eu ceux de ma petite-fille hier et j’attends le retour de mes petits-fils donc ça va, je gère malgré la pluie 😉

      Aimé par 1 personne

Les commentaires sont fermés.

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