Maux & Cris

Textes, Poèmes, Livres, Rêves et autres billevesées

Après avoir croisé l’existence du Kintsugi, par la grâce du hasard, ce sujet s’est imposé à moi. Si vous n’en connaissez pas l’existence, prenez le temps de lire l’article publié sur le présent blog début décembre (https://mauxetcris.com/2023/12/03/kintsugi/).

Je me suis senti pris par l’envie d’en tâter. J’ai donc cherché un cours qui me permettrait d’aborder la technique traditionnelle utilisant les matériaux d’origine et non des colles ou laques modernes. Pourquoi ? Je ne sais pas exactement. Le besoin d’aller au fond du sujet ? Le respect des techniques ancestrales. Sans doute les deux.

Il existe beaucoup de cours sur ce sujet. D’ailleurs il existe plein de cours sur tous les sujets. J’en reste étonné et suspicieux. L’art est difficile. Il faut connaitre le sujet à fond et savoir le transmettre. J’ai de la peine à croire que tous les « professeurs » de Kintsugi possèdent les deux qualités. Ce qui me laisse croire qu’il existerait nombre de « faisans ». Je ne parle pas du bel oiseau, mais plutôt de l’attitude de celui qui se décrète expert, à l’unanimité de sa seule voix.

J’ai fait le choix d’opter pour un cours tenu par une japonaise, me disant, peut-être bêtement, qu’un japonais aurait plus eu l’opportunité d’apprendre correctement cet art traditionnel. Tomoka Tsuchida, précédemment architecte d’intérieur, a profité de la naissance de son enfant pour s’interroger sur son avenir et a choisi de faire du Kintsugi, art traditionnel de restauration des objets, son nouveau métier. Elle a effectivement appris au Japon avec des maîtres.

En écrivant le précédent paragraphe, je n’ai pu m’empêcher de faire un parallèle avec l’histoire de mon épouse. Sylvie a une formation d’architecte d’intérieur et exerce le métier de restauratrice de livres anciens. Troublant, n’est-ce pas ? Pardon pour cette digression.

Je me suis rendu à Paris. En approchant du lieu du cours, je me suis rendu compte que le numéro d’à côté était l’entrée du plus long de ces célèbres passages parisiens si mal connus. La prochaine fois je prendrai le temps de le visiter… Avez-vous trouvé son nom ?

L’objet, avant l’attentat « martelier », prêt à recevoir sa dose quotidienne de café post prandial.

Nous étions quatre élèves, deux absolus débutants et deux qui ne l’étaient plus. Je me suis retrouvé à côté d’une Lyonnaise, fille et sœur de céramiste, venue avec de très beaux objets, dont l’un ovoïde avec des couleurs sublimes et dont la réparation en cours répondait parfaitement à l’idéal du kintsugi, qui est, selon Tomoka : sublimer l’imperfection. La réparation en cours est d’une absolue finesse, et de la bonne couleur.

Je fantasmai sur la finition à l’or. Mais, en fonction de l’objet à restaurer, il pourrait être profitable d’utiliser d’autres matières, la laque urushi, le laiton ou l’étain, l’argent ou l’or pour une réparation noire, grise ou dorée. Oublions le « plus c’est cher, plus c’est beau« . Si j’osais, je militerais pour un « plus c’est chair, plus c’est beau ». Revenir à l’essentiel, se débarrasser de ses oripeaux pour afficher sa seule peau.

Revenons à notre objet à réparer. Posons-en (pas facile à dire si tu fais la liaison, hein !! Pozonzan) les morceaux à réparer devant nous. Regardons-les, jugeons-les. Assemblons-les. Qui va avec qui ? Repérons dans quel ordre procéder, numérotons des papiers repositionnables et posons-les selon cet ordre. Plaçons des repères afin de faire coïncider justement les morceaux. Ce temps pris ne sera pas perdu. Il est indispensable.

Notre monde moderne accélère tout. Stop !!! On ne sait plus penser avant de faire. Reprenons la maitrise du temps. Observer les flux pour éviter à notre canoé de se faire balloter par les rapides et finir bêtement écrasé sur des rochers.

En résumé, l’éloge de la lenteur.

Tomoka nous explique, avec sa voix douce et son léger accent japonais, qui nous oblige à être attentif pour comprendre. Nombre de termes Japonais émaillent son exposé. Par exemple, elle nous parle de maki-e. J’entends maquillé, et ne comprends pas. L’art du maki-e est l’art d’embellir l’urushi, la fameuse laque (sève) issue de l’arbre portant le même nom, en saupoudrant de la poudre de métal, avec un pinceau spécial et par un geste précis du majeur qui vient frotter taper doucement mais surement le pinceau pour faire tomber un peu de poudre sur la laque. Ce sera l’une des dernière étapes du Kintsugi.

Le Kintsugi, c’est la réparation en utilisant de l’or. Si j’utilise de l’argent, ce sera le Gintsugi. Avec de la laque végétale (l’urushi), ce sera de l’Urushitsugi, le procédé le plus solide, possible de base en trois couleurs : noir, rouge foncé ou beige.

Je m’arrête là pour aujourd’hui.

Sachez que pour mon premier cours, j’ai pu recoller les trois grosses pièces, plutôt pas mal. Les quatre petites du fond de la tasse aussi. Mais l’assemblage des grosses pièces et du fond n’est pas une réussite. Il est fort possible que nous devions reprendre le fond pour le limer un peu sur les bords afin qu’il se marrie mieux avec le reste. Ce souci pourrait venir du fait que j’ai cassé la pièce avec un coup de marteau appliqué sur le fond. La cassure n’ayant rien de naturelle, ses propriétés « mécaniques » ont été quelques peu malmenées. Si j’avais laissé choir ma tasse sur le sol, elle se serait cassée plus normalement. La réparation en eût été plus harmonieuse.

Après l’attentat « martelier » : un puzzle à sept morceaux. Je vais commencer par les coins…

J’étais initialement parti avec l’idée que l’or irait bien avec le bleu de ma tasse. À cet instant je n’en suis plus sûr du tout. L’objet est un objet de série, de plus mal cassé. Mérite-t-il d’être embelli à l’or ? Vu mon peu de maitrise, ne devrais-je pas plutôt opter pour quelque chose de moins onéreux et plus aisé à appliquer.

C’est une des leçons acquises lors de cette première leçon.

Je ne parlerai pas de la sensation tellement agréable d’être concentré sur son activité, avec d’autres personnes toutes concentrées, mais ouvertes à échanger avec gentillesse et sans barrière. Cela m’a replacé dans quelques séances de musique partagées avec de fidèles amis, où chacun sert sa partie en harmonie avec les autres, sans qu’aucun filtre gênant ne vienne perturber la douceur d’être connecté avec d’autres humains partageant la même passion.

Les trois heures sont passées tellement vite et bien que je n’ai pas pensé à prendre des photos. Me le pardonnerez-vous ? Prochain cours : le 16 février. J’ai hâte.

Le site de Tomoka. Tout y est beau. https://kintsugiparis.com/

11 réflexions sur “Kintsugi – Cours #1

  1. Hâte au 16 février pour toi, Régis!
    Merci pour le partage.

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  2. Soizik dit :

    Je vais m’inscrire cet été à un cours de Kintsugi . J’ai cassé un chawan qui ressemble beaucoup à celle de votre article. Malheureusement, elle a été réparée grossièrement. L.occasion de lui faire une nouvelle beauté 😀
    Je me réjouis de voir vos photos.

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    1. Maux&Cris dit :

      Génial ! J’espère que vous avez trouvé un cours correct. Peut-être faudrait-il commencer par un autre objet afin de préserver la réparation de votre chawan pour une Soizic avertie !
      J’espère que l’ambiance de votre cours sera aussi zen que fut le mien.
      Vous nous en reparlerez peut-être.
      Belle journée Soizic.

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  3. Je ferai bien du Kintsugi, moi, après avoir lu ton article !
    Bon dimanche, Régis.

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    1. Maux&Cris dit :

      Oh ça c’est gentil. Et pourtant je n’ai rien dit vraiment de ce que j’y ai fait..
      Il fait frais par chez moi.
      Belle journée Jean-Louis.

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  4. barbara Auzou dit :

    Oui, moi aussi ça m’attire beaucoup…
    Beau dimanche Régis

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    1. Maux&Cris dit :

      Il faut tenter. Je suis certain que tu en ferais des merveilles de poèmes.
      Belle journée Barbara.
      Bises

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    2. barbara Auzou dit :

      Belle journée à toi Régis
      Bises itou

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  5. Soizik dit :

    S’exercer sur de menus bols ou tasses à thé en céramique, certainement un bon travail préparatoire 😀

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  6. Mamiso dit :

    Je viens de passer un bon bout de temps à rattraper mon retard de lecture !
    Ce fut très agréable.
    Bonne semaine

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    1. Maux&Cris dit :

      Belle journée Mamiso.

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