Maux & Cris

Textes, Poèmes, Livres, Rêves et autres billevesées

…à la même date, le même cirque. On voudrait l’oublier, tourner la tête, regarder ailleurs, faire comme si, siffloter comme un oiseau enfin pas vraiment les quelques grammes d’un oiseau siffloteront toujours mieux que toi ou moi, l’ignorer, le snober quoi. On voudrait l’attraper, le coller dans une boite que l’on scotcherait en triple épaisseur avec du ruban adhésif, celui pour les colis qui vont loin, marquer sur une étiquette « Au diable Vauvert, allée des Oubliettes, Vatefaireville, Nowhere ». Envoyer cela via Chronopost pour doubler les chances que cela n’arrive jamais ou alors très loin.

… on the same date, the same circus. We would like to forget it, turn our head, look elsewhere, pretend, whistling like a bird well not really the few grams of a bird will always whistle better than you or me, ignore it, snub it. We would like to catch it, stick it in a box that we would close in triple thickness with adhesive tape, the one for parcels that go far, mark on a label « go to hell, Forget drive, fuckyourselftown, Nowhere ». Send this via Chronopost to double the chances of being never delivered or delivered very far away.

Le temps coule entre nos doigts comme de l’eau. Il nous laisse des souvenirs, des sensations, des moments fabuleux, d’autres misérables. Il nous trace des cicatrices, des blessures. Il nous tatoue de l’expérience, nous endurcit ou nous met le cœur à fleur de peau. Il nous gifle, nous balance de monstrueux bourre-pifs ou nous câline. Mais jamais, au grand jamais, on ne peut le retenir. Puisqu’il coule entre nos doigts comme de l’eau.

Time flows through our fingers like water. It gives us memories, feelings, fabulous moments, other miserable ones. It marks us with scars, wounds. It tattoos us with experience, hardens us or puts our hearts on edge. It slaps us, gives us huge punches or cuddles us. But never, ever, can we hold it back. Since it runs through our fingers like water.

Physalis – RV – 1/10/2020

L’horloge comtoise de nos grands-parents lâchait cet horrible tic-tac à chaque fois que son balancier doré passait devant l’ouverture de ce cercueil debout. Cette vaine musique arrache un peu de nous à chaque seconde. Très peu, on ne sent rien. Il faut être particulièrement sensible pour ressentir ce vol. Et, de la première bouffée de l’air vital avalé par nos poumons horrifiés jusqu’à notre dernier souffle, si ténu que personne ne peut l’entendre, cela ne s’arrête jamais. A la fin, on est si léger qu’il suffirait d’une pipette pour nous verser entre les mêmes six planches, qu’il suffit de coucher ensuite dans un trou et de recouvrir de bonne terre. Une bonne dalle de béton sur le buffet, histoire d’être certain qu’on n’en ressorte pas pour faire des blagues aux vivants. Fin de l’histoire. Le tic-tac continue pour les autres…

Our grandparents’ Grandfather clock let out that horrible ticking every time its golden pendulum passed the opening of this standing coffin. This stupid music tears a little away from us every second. Very little, you don’t feel anything. You have to be particularly sensitive to feel this theft. And, from the first breath of vital air swallowed by our horrified lungs to our last breath, so thin that no one can hear it, it never stops. In the end, we are so light that it would take just a pipette to pour us between the same six boards, that we then just lay in a hole and cover with good soil. A good slab of concrete on the chest, just to be sure you don’t come out to prank the living. End of the story. The ticking continues for the others …

Le temps nous fait souvent défaut. Il galope comme un fou, imprévisible. Même le meilleur, le plus agile, le plus intelligent, le plus voyant, le plus fort, le plus adapté à la vie ne pourra pas chevaucher le temps et s’en faire un ami. Il est des astuces pour s’en sortir. Un vieux sage me l’avait bien dit « il faut laisser du temps au temps ». Ma jeune fougue lui avait rétorqué « c’est débile ton truc ! ». Mon incompréhension avait balancé un coup de poing dans la porte, dont le panneau s’était fendu. Des années après, cette fente me rappelait mon geste. Le sage avait ajouté « Tu veux un secret, petit ? ». Je lui avais répondu « Secret ou pas, rien à foutre. Je veux quelque chose d’utile… ».

We often lack time. He gallops like crazy, unpredictable. Even the best, the most agile, the smartest, the brightest, the strongest, the most suited to life will not be able to ride time and make a friend. There are tips on how to get by. A very wise old man told me « we must leave time for time ». My young ardor had retorted « it’s stupid your thing! « . My incomprehension had thrown a punch in the door, the panel of which had split open. Years later, this slit reminded me of my gesture. The sage had added « Do you want a secret, child? » « . I told him « Secret or not, never mind. I just want something useful… « .

Physalis – RV – 1/10/2020

« Monsieur veut quelque chose d’utile ! Tu veux quelque chose d’utile ? Ecoute petit ! ». Il avait regardé autour pour vérifier que nous étions seuls, avait plissé les yeux en me regardant. Je voyais la malice au fond de ses yeux bleus un peu délavés. Il a fini par lâcher « il faut laisser du temps au silence pour qu’il se remplisse doucement du bonheur discrètement volé au temps… ».

« Sir wants something useful! Do you want something useful? Listen little one! « . He had looked around to verify that we were alone, had narrowed his eyes as he looked at me. I could see the mischief deep in his slightly washed out blue eyes. He ended to say « you have to leave time for silence so that it is slowly filled with happiness discreetly stolen from time … ».

« C’est ça ta recette ? ». Il a éclaté de rire. « Prends le temps d’y réfléchir et ne l’oublie jamais. Tu verras, ça marche. Le seul moyen de dompter le temps c’est de lui faire un pied de nez en prenant le temps. En ne vivant qu’avec des gens capables de vivre le silence avec toi. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas parler, mais une parole non maitrisée est une arme qui se retourne contre son maitre. Cela veut dire que celui ou celle avec qui tu peux te taire sans que le malaise ne s’installe, est un ou une vrai(e) ami(e). Tu ne perdras jamais ton temps avec ».

« Is that your recipe? « . He burst out laughing. « Take the time to think about it and never forget it. You’ll see, it works. The only way to tame time is to thumb your nose at it by taking the time. By only living with people who are able to live the silence with you. This does not mean that one should not speak, but unchecked speech is a weapon that is turned against its master. This means that the one with whom you can be silent without the discomfort setting in, is a true friend. You will never waste your time with it ”.

Avec le temps – Léo Ferré

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
On oublie le visage et l'on oublie la voix
Le cœur, quand ça bat plus, c'est pas la peine d'aller
Chercher plus loin, faut laisser faire et c'est très bien

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
L'autre qu'on adorait, qu'on cherchait sous la pluie
L'autre qu'on devinait au détour d'un regard
Entre les mots, entre les lignes et sous le fard
D'un serment maquillé qui s'en va faire sa nuit
Avec le temps tout s'évanouit

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
Même les plus chouettes souvenirs, ça, t'as une de ces gueules
À la galerie, j'farfouille dans les rayons d'la mort
Le samedi soir quand la tendresse s'en va toute seule

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
L'autre à qui l'on croyait pour un rhume, pour un rien
L'autre à qui l'on donnait du vent et des bijoux
Pour qui l'on eût vendu son âme pour quelques sous
Devant quoi, l'on s'traînait comme traînent les chiens
Avec le temps, va, tout va bien

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
On oublie les passions et l'on oublie les voix
Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
Ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
Et l'on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l'on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l'on se sent tout seul peut-être mais peinard
Et l'on se sent floué par les années perdues, alors vraiment
Avec le temps on n'aime plus

Bonne journée les ami(e)s / Good day friends

Image par Gerd Altmann de Pixabay

©️ Texte et photos (Sauf tasse de café cf. légende) / Text and pictures – (Except coffee cup look at the legend) – Régis Vignon

8 réflexions sur “Chaque année ça recommence… / Every year it starts again…

  1. « Il faut laisser du temps au silence pour qu’il se remplisse doucement du bonheur discrètement volé au temps… »
    J’aime bien la philosophie de ton vieux sage, Régis.
    Bonne journée à toi.

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    1. Maux&Cris dit :

      Je ne manquerai pas de lui transmettre, Jean-Louis. 🤗
      Belle journée

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  2. Swannaëlle dit :

    Bonjour Régis, quel bel article ! Quant à la philosophie du vieux sage, je partage complètement … belle journée à toi 🌹

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    1. Maux&Cris dit :

      Merci Swannaëlle ! Décidément, ce vieux fou est bien apprécié. Il ne faudrait pas que ses chevilles enflent de trop. Merci pour lui et belle journée. 😘🌹

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  3. Rukmal dit :

    Un très bel article aussi profond que beau (et utile justement) ! Merci pour le partage !
    |Langues d’Ailleurs|

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    1. Maux&Cris dit :

      Merci Mathieu. Ça fait plaisir. Belle journée,
      Régis

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  4. ID de femmes dit :

    Proverbe africain :  » Vous avez la montre, nous avons le temps.  » J’aime ce proverbe maiicieux. J’aime le temps qui s’écoule en Afrique, qui semble s’enfuir plus lentement, puisque rien ne presse. Merci pour cet article si profond. Merci de nous permettre d’écouter ce si regretté Léo Ferré. Bon après-midi.

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    1. Maux&Cris dit :

      J’aime bien ce proverbe aussi. Merci Renée. Bonne soirée et bon week-end.

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