Maux & Cris

Textes, Poèmes, Livres, Rêves et autres billevesées

Ce matin une émission de France Inter m’a attrapé. Un interprète expliquait un grand moment de solitude vécu lors d’une émission où une auteure de langue anglaise, très bavarde et pourvue d’une langue très riche et précise, parlait sans s’arrêter. Il expliquait que le taux de foisonnement d’une traduction de l’anglais vers le français était de 20%. Donc, il devait prononcer 20% de mots de plus que l’auteure dont le débit était torrentiel.

This morning a show from France Inter caught me. An interpreter was explaining a great moment of loneliness experienced during a program where an English-language author, very talkative and provided with a very rich and precise language, spoke without stopping. He explained that the rate of expansion of a translation from English to French was 20%. So he had to say 20% more words than the torrential author.

L’émission parlait aussi de mots intraduisibles. Visiblement, il en existe un grand nombre. Citons les mots français Gourgandine, mitonner et recroqueviller. Ils ont beaucoup parlé du mot danois Hyggelig, quelque chose qui est doux et confortable, tout en inspirant chaleur et confort. Ce mot est utilisé quotidiennement au Danemark sans que nous ayons jugé utile d’en avoir l’équivalence.

The show was also about untranslatable words. Obviously, there are a large number of them. Let us quote the French words Gourgandine, mitonner et recroqueviller. They’ve talked a lot about the Danish word Hyggelig, something that’s soft and cozy, while still inspiring warmth and coziness. This word is used daily in Denmark without our having considered it useful to have an equivalent.

Ces mots intraduisibles sont une richesse. Ils concernent des spécificités d’un peuple. Quelque chose qui n’appartient qu’à eux et qui ne semble pas intéresser les autres. J’aime beaucoup cette idée d’une singularité qui aurait échappé au contrôle des humains. Comme si la langue avait sa propre existence hors les hommes qui l’utilise. C’est poétique, vous ne trouvez-pas ?

These untranslatable words are a wealth. They relate to the specificities of a people. Something that is only theirs and that doesn’t seem to interest others. I really like this idea of a singularity that would have escaped the control of humans. As if the language had its own existence apart from the men who use it. It’s poetic, isn’t it?

Que la vie vous soit belle et qu’elle foisonne !
May life be beautiful for you and may it flourish !

(C) Texte et photos Régis Vignon 2020 / Text and pictures Régis Vignon 2020

22 réflexions sur “L’Emplumé foisonne… / The Feather abounds…

  1. Bel hommage aux mots, tôt, venant d’un motard !
    Je te souhaite une belle journée tout en mots, Régis.

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    1. Maux&Cris dit :

      Jolis mots Jean-Louis ! 😂 tu m’as mis le sourire.
      Belle journée Jean-Louis

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    2. Une journée qui commence par un sourire sera une bonne journée.

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    3. Maux&Cris dit :

      Je le crois bien volontiers. 😀

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  2. Bibliofeel dit :

    Passionnantes réflexions sur les langues et la traduction. Belle journée à toi !

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    1. Maux&Cris dit :

      Merci beaucoup.
      Je ne sais pas si j’aurais été jusqu’à utiliser le terme « passionnantes », qui me semble exagéré.
      Mais je prends les bonnes vibrations avec plaisir et sourire.
      Bonne journée 😉

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  3. iotop dit :

    Bon jour,
    Déjà qu’un même mot dans une langue peut s’interpréter différemment … que l’intonation, l’expression, la résonance … font nuance ainsi que le contexte, la phrase, l’événement … etc … alors en ce qui concerne la traduction … 🙂
    Max-Louis

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    1. Maux&Cris dit :

      Traducteur, c’est un métier sinistré. La course au moindre coût a « dézingué » les bons traducteurs. Des amis, qui gagnaient leur vie avec ce métier, ne travaillent plus dix ans après.
      La nuance, le contexte, tout ce que tu cites sont passés à la trappe…
      Belle journée Max-Louis

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  4. Photonanie dit :

    Ce n’est pas moi qui vais te contredire vu la quantité de mots et d’expressions, typiquement belges, intraduisibles complètement en bon français mais d’une telle richesse, d’une telle saveur… 😉
    Un exemple? https://youtu.be/v9DNCiEHF2Y
    Bonne journée.

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    1. Maux&Cris dit :

      Je me rappelle la perplexité qui m’avait envahi lorsque mon ami Jean Poma de Liège m’avait dit « Régis, si j’ai un problème, je te sonne ! ». En l’occurrence, j’avais vite traduit. Mais votre langage est fleuri, comme celle des canadiens francophones.
      Je me demande ce que je vais faire en stoemelings de mon épouse aujourd’hui !!
      Sans doute rien, d’ailleurs ! 😂
      Bonne journée.

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    2. Photonanie dit :

      Et dis-moi, ton ami qui devait te sonner n’a pas ajouté « je te sonne pour te dire quoi » parce que là pour le coup ce serait vraiment du bon belge 😀

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    3. Maux&Cris dit :

      Oui effectivement… c’est bien possible qu’il ait dit cela ! 😂

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  5. Lazuli Biloba dit :

    Merci pour cet éloge des langues ! « Schnukiputzi », comme un village autrichien, « cosy » comme un salon de thé anglais, « drache » telle la pluie de Flandres… que foisonnent les mots et qu’ils fassent court-circuiter les « Google translaters » !

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    1. Maux&Cris dit :

      J’aime bien tous ces mots, comme dracher que j’ai appris grâce à mes amis du nord…

      J’imagine le serveur au fin fond du datacenter Google qui se met à fumer, cracher, hoqueter, le tout s’achevant dans une orgie de bits satellisés dans l’espace…
      Et Bye bye Gogole la transe les tord !

      Merci pour ton commentaire ! 😊

      Bonne journée

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  6. Excellent!
    C’est ton chat sur la photo? Il est superbe. Le mot danois Hyggelig se traduirait par chat que ça ne m’étonnerait pas! Chaud et confortable, attributs félins!
    Bonne journée, Régis.

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    1. Maux&Cris dit :

      Oui, c’est ma Charlie. Sur les photos il lui arrive d’avoir un regard méchant et distant, comme ici. Mais elle n’est pas comme cela !!!
      Je me suis fait la même remarque que toi…. 😎

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  7. C’est ce qui fait la richesse des langues!
    Après pour traduire, c’est vrai que l’exercice peut s’avérer compliqué.

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  8. Merci. Je ne savais pas qu’il existait un « taux de foisonnement » dans les traductions d’une langue à l’autre, et le taux de 20% que vous indiquez entre l’anglais et le français m’inquiète car si l’on peut dire la même chose avec moins de mots, c’est que l’on peut parler plus vite et surtout penser plus vite dans une langue que dans l’autre. Je ne crois pas du tout à de tels chiffres (cela est adressé aux spécialistes qui les ont imaginés).

    Je crois que ce sont seulement les traducteurs qui sont mal formés, ne savent pas marcher droit et font dans la fioriture. Or la prolixité est un défaut dans toutes les langues.

    Voici ce que j’ai écrit sur mon blog il y a quelque temps (extrait) :

    « Je me rappelle combien j’étais frappé, dans le métro de Boston, Massachusetts, de voir que les traductions espagnoles des consignes en anglais (car le bilinguisme tendait alors à se généraliser dans cette ville) étaient beaucoup plus longues que l’original ; et je me faisais la réflexion qu’une telle apparence n’était pas de nature à rendre l’espagnol attrayant. Pourquoi un anglophone voudrait-il apprendre une langue s’il perçoit, dans le métro, qu’elle nécessite une bien plus grande prolixité pour parvenir au même résultat, la consigne étant forcément la même dans l’une et l’autre langues ? Or, en examinant ces consignes, je constatai que le traducteur espagnol en disait d’une certaine façon plus que l’original, par exemple en parlant de ‘poignée de porte’ là où l’original anglais se contente d’indiquer la ‘poignée’, et tout le reste à l’avenant. »

    Je vous assure que les consignes bilingues anglais-espagnol dans le métro de Boston sont très frappantes : là où l’anglais compte une ligne à peine, la traduction espagnole compte au moins trois lignes ! Ma conclusion, c’est qu’en cas d’accident l’hispanophone mourra en lisant les consignes en espagnol… Comme je l’ai dit, ce n’est pas à cause de l’espagnol (langue que je pratique, tout comme l’anglais), mais à cause des traducteurs.

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    1. Je me permets de compléter mon propos. Je parle de la traduction écrite et non de l’interprétariat, métier que je ne connais pas. Nous avons donc ici des traducteurs de consignes de sécurité que, si j’étais un avocat aux U.S., je tiendrais pour responsables de toutes les morts de personnes hispanophones dans les accidents de métro à Boston. Car ces traducteurs ont fait le contraire de ce qui fallait faire, ils ont poussé le travers de leur métier jusqu’au vice, croyant peut-être qu’ils justifieraient mieux leur service en précisant jusqu’à la minutie tout ce qui va de soi.

      J’étais confronté à ces problématiques quand je travaillais comme traducteur, et je m’opposais à l’idée (sur laquelle nous ne mettions pas encore de nom) de « taux de foisonnement » négatif entre l’anglais et le français. Pour étayer mon point de vue, j’avais alors commencé un travail sur l’économie de la langue française. Je ne l’ai pas sous la main. Mais sachez qu’une expression banale comme « Il lui en a parlé » est très économique et que, si vous la traduisiez en anglais, le « taux de foisonnement » serait défavorable à ce dernier. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. La langue française n’est pas censée être prolixe.

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    2. Pour finir, « il lui en a parlé » est moins économique que « il lui en parla », et la tendance à supprimer des temps dits simples (ici, le passé simple) de notre langue pour ne plus utiliser que les temps composés va effectivement dans le sens d’une dégradation du « taux de foisonnement » du français. C’est la même paresse qui supprime des temps et qui nous rend prolixes! — Et belle photo de chat.

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    3. Maux&Cris dit :

      Les taux de foisonnement dépendre surtout du domaine. Il a été montré que traduire de l’économie foisonne plus que l’histoire. Quand au taux lui-même il peut énormément varier en fonction du traducteur. Et dans des proportions importantes.
      J’ai trouvé un article très complet de Guylaine Cochrane sur le sujet, qui vous en dira plus que je ne saurai jamais le faire : https://www.erudit.org/fr/revues/ttr/1995-v8-n2-ttr1483/037222ar.pdf
      Bien sûr la prolixité de l’orateur peur jouer, mais les langues sont structurées bien différemment, et je ne pense pas que l’on puisse dire raisonnablement qu’il est possible de dire la même chose dans deux langues en autant de mots, de caractères. Je connais assez de la langue anglaise pour constater qu’elle est plus concise que le Français.
      Je n’ai pas assez de connaissance scientifique sur le sujet, mais Guylaine Cochrane semble bien armée pour le faire.

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